REVELATIONBIBLE

Premiers écrits chrétiens

INTRODUCTION

Naissance d'une église

Les écrits présentés dans ce volume permettront au lecteur de se forger une idée de ce que furent les premières générations chrétiennes. Ils ont été composés entre les années 90 et les alentours de 200. Cela commence avec des hommes qui ont connu les apôtres et qui, après la disparition de ces derniers (disons vers l'an 70), veillent à leur tour sur des communautés de croyants. Cela finit avec des hommes qui ont fréquenté des disciples directs des apôtres. Clément de Rome fut proche de Pierre. Irénée de Lyon se réclamait de Polycarpe de Smyrne, qui lui-même avait connu Jean.

Voilà pour le temps. Que dire de l'espace? Le cliché du christianisme comme "religion de l'Occident" fait oublier qu'il s'agit, à l'origine, d'un mouvement implanté surtout dans le bassin oriental de la Méditerranée. Le message chrétien se diffuse d'abord sur la côte syro-palestinienne, en Anatolie et en Grèce. Rome, gagnée sans doute dès les années 40, fait figure de tête de pont. Ce volume illustre une expansion vers l'ouest : ses textes les plus récents sont d'un évêque de Lyon (au vrai, d'origine asiate et d'expression grecque) et de chrétiens d'Afrique du Nord. Il n'empêche qu'au IIè siècle (et encore aux IIIè et IVè siècles), les terres les plus évangélisées sont les zones dont on parle aujourd'hui comme si elles avaient toujours été musulmanes : le Proche-Orient, la Turquie, La Libye, l'Egypte, le Maghreb.

D'abord présent dans des villes, le message chrétien atteint bientôt des campagnes. Pline le Jeune l'atteste pour le Pont-Bithynie au début des années 110. Il n'est pas seul à dire qu'il existe des chrétiens dans tous les milieux. Certes, on ne connaît pas pour les deux premiers siècles de sénateur converti (le statut social du martyr Apollonios pouvant se discuter), mais on trouve dans diverses cités des notables chrétiens.

Cette diffusion s'explique par la capillarité des relations entre individus, par la propension des fidèles à partager leur foi (dans cette perspective, ils se soucient de leur image collective), par l'action de prédicateurs itinérants (il en existe tout au long de notre période), enfin par les atouts des Eglises : offrir à toute personne, sans distinction de sexe, d'âge, de rang, à la fois la promesse d'une vie éternelle et, pour l'immédiat, l'insertion dans une solidarité communautaire. Ces liens fraternels permettent aux pauvres de ne pas tomber dans la misère, et aux riches de manifester leur générosité.

Il n'est pas non plus sans conséquence que Jésus ait enseigné dans une province appartenant à un Empire alors au début de ses deux siècles d'apogée. La mission chrétienne profite de la Paix romaine, ses prédicateurs bénéficient de la relative sûreté des transports terrestres, fluviaux et maritimes. Les difficultés propres à l'époque de Marc Aurèle (l'épidémie de peste, les attaques des peuples germaniques, Quades et Marcomans) contribueront, çà et là, à attiser l'hostilité populaire envers les chrétiens ; mais cet empereur, lorsqu'il succombe à la peste, le 17 mars 180, sur le front dunubien, sortait victorieux de ses campagnes et s'apprêtait à fonder deux nouvelles provinces.